Home > Culture étoffe Le Taffetas, une étoffe qui éveille nos sens L’univers textile est rempli de trésors parfois oubliés, mais comme c’est le cas pour cette petite merveille, certains articles ont poursuivi leur route à travers les aléas politiques, les bouleversements climatiques, les diktats des modes. Avec le taffetas, ce mot que la langue française a fait sien depuis longtemps, je vous invite à entrer de plain-pied dans l’histoire. En effet, taffetas est la transformation occidentale du mot persan « tafftah » qui signifie tissé ou entrelacs, terme qui décrit le cheminement des fils de trame à travers les fils de chaîne. Taffetas Changeant Le taffetas est un tissu dont la fabrication et l’usage sont très anciens. Tissé avec une des trois armures fondamentales, la plus simple, si ce n’est la plus solide : l’armure toile. La construction est simplissime : un fil pris et un fil sauté, contrarié à chaque duite. Il n’a ni endroit ni envers. Sa surface lisse, sans grains, requiert un tissage très régulier, un taffetas de qualité ne supporte pas la médiocrité du tissage. Un tissage utilisant des fils continus, soie, viscose, nylon ou polyester et l’armure toile devient un taffetas alors qu’un tissage utilisant des fils discontinus, comme le coton, la laine ou le lin et l’armure toile est toujours une toile. Ainsi, une étoffe en bourrette de soie est une toile et non un taffetas bien que tissée avec des fils de soie. Jadis, il n’y avait aucune confusion possible, un taffetas était en soie. Une soie qui venait de Chine et qui transitait par la Perse avant d’arriver en Europe. Dès le XIVe siècle, les italiens de Bologne et de Florence se spécialisèrent dans le tissage de la soie. Lyon le fera plus tard. Les fils de soie sont, depuis le début du XXe siècle, imités par des fibres artificielles continues comme la viscose, ou synthétiques comme le nylon. Si le taffetas de soie a une image de luxe, ce n’est pas par son aspect, car le taffetas est sobre, sans fioriture, sans clinquant. La soie est son seul luxe. Le taffetas peut convenir au plus simple des habits. « Elle portait un grand fichu de cotonnade blanche, un chapeau de paille cousue, et gardait presque toujours un tablier de taffetas noir. » Honoré de Balzac 1833 « Eugénie Grandet » Il peut aussi être l ‘élément vestimentaire vedette d’un costume. « Mme d’Ymbercourt était habillée d’une jupe de taffetas noir et d’une veste de couleur voyante soutachée, brodée, chargée de plus de jais et de passementerie que jamais Maja allant à une feria ou à une course de taureaux n’en suspendit à sa basquine. » Théophile Gautier 1833-1861 « L’oeuvre fantastique. II, Romans » Le taffetas de soie est une étoffe qui éveille nos sens. La vue : les fils utilisés pour le tissage d’un taffetas sont fins, réguliers, le tissage est très serré, le nombre de fils est important et égal en chaîne comme en trame ce qui confère à l’étoffe une surface brillante, identique sur les deux faces et une solidité qui évite les déformations.Si le taffetas de soie semble plat, ce n’est qu’une apparence, un leurre qui permet d’obtenir un lustre semblable à celui de l’acier. Taffetas Soie Palme d’Or – Nobilis Au toucher, le taffetas est sec, froid, il se casse plus qu’il ne se froisse ; pour cette raison, les plis tiennent et, selon les modèles, ils se font sculpturaux et tiennent leur place dans l’espace ou bien, ils deviennent statiques et jouent avec la lumière, passant de l’ombre à la lumière. Ainsi, le volume des plis modifie l’espace, idée intéressante en décoration d’intérieur ; son aspect lisse est trompeur car, en le caressant, les doigts sentent le grain plus ou moins léger en fonction du type de taffetas. C’est à l’oreille, que le bruissement d’un taffetas est reconnaissable entre tous. C’est le frou-frou aigu ou sourd qui vient annoncer l’arrivée d’une femme en robe de taffetas de soie, c’est le cri strident de la soie qui est obtenu en déchirant d’un coup sec un métrage de taffetas ! Eh oui, ce tissu murmure à l’oreille de ceux qui savent l’écouter. Selon la contexture, la différence de ténuité des fils en chaîne et en trame, on obtient des étoffes aux différentes dénominations, bien que tous aient la même armure de base. Le taffetas de soie ordinaire a une chaîne simple, compte environ 75 fils de chaîne et 45 à 50 fils en trame au cm2. Le Gros de Tours : les fils de chaîne sont plus nombreux que ceux de la trame. Le Gros de Naples : la chaîne est double. Le Gros des Indes : deux chaînes l’une simple, l’autre triple croisées par deux trames, l’une fine passant sous la chaîne simple, l’autre plus grosse passant sous la chaîne triple. Le poult de soie : le grain est plus saillant que dans un gros de Naples. C’est une des bases des étoffes moirées. La Marceline est un taffetas doux, moelleux et brillant. Les fils de trame sont à deux ou trois bouts, les fils de chaîne sont doublés. Il était utilisé au XIXe et début du XXe siècle, principalement pour la confection de robes. Le taffetas de Florence est un taffetas très léger : la chaîne est simple et comporte comme la trame 30 à 40 fils au cm2. Le fil de trame est à deux brins. Généralement utilisé comme doublure « La moindre des qualités est le taffetas d’Angleterre. Le taffetas de Florence n’est autre chose qu’un taffetas d’Angleterre renforcé, dont la chaîne est en organsin monté en trois bouts. » Encyclopédie de Diderot et d’Alembert L’art de la soie La Louisine : en chaîne il comporte 60 à 68 fils doubles au cm2 ; En trame, il n’a que 30 à 34 fils. De cette manière, lorsqu’on passe deux fils dans la même lisse, on obtient une parfaite égalité. la trame renforcée fait la différence avec la faille qui présente le même genre de côtes transversales, simplement avec des fils en trame plus gros que ceux de la chaîne. Ce tissu est plus brillant qu’un taffetas ordinaire si on utilise une trame cuite suivi d’un apprêt. Le taffetas Pompadour : c’est un tissu qui présente sur un fond taffetas des rayures armurées et des bouquets de fleurs en relief (poils, velours…). Ce nom fait évidemment référence à Madame de Pompadour, maîtresse officielle de Louis XV qui aimait, outre le roi, les fleurs et, parmi celles-ci, les roses dites depuis roses Pompadour. Ce taffetas dit pompadour est, d’une part, caractérisé par un motif, un style et, d’autre part, simplement si j’ose dire, un riche tissu façonné. Les imprimés baptisés « pompadour » sont spécifiques : roses pompadour, semis de petite, roses, fleurs ou bouquets diversement colorés, sur un fond généralement clair : blanc, rose ou bleu ciel. Le XVIIIe siècle verra l’apothéose du Pompadour, luxueuse étoffe de soie. Au milieu du XIXe siècle, Lyon reprendra la fabrication de ce tissu. Aujourd’hui, ce genre a perdu de sa superbe : il est proposé en fibres chimiques ne lui laissant que son effet décoratif toujours intéressant. Tissu Arietta – Designers Guild la faille : c’est un taffetas dont les fils en chaîne et en trame sont de titres différents provocant une fine rayure ou un petit grain sur les deux faces. En chaîne et en trame, les fils sont de qualité différentes : les fils de trame sont en soie souple et les fils de chaîne en soie cuite. Le taffetas changeant est un taffetas qui utilise en chaîne et en trame un fil de couleur différente. On le confond souvent avec un tissu moiré, mais la confusion réside uniquement dans le mauvais usage du mot en ce sens que le vocable utilisé est faux. Lyon, un taffetas caméléon : spécialité des soyeux lyonnais. Un taffetas changeant de trois couleurs différentes. Il consiste à passer deux trames de couleurs différentes dans le même pas et dans le même ordre répétitif. La chaîne donne la première couleur, les deux autres sont données par les deux fils de trame de couleurs différentes juxtaposées. Ce taffetas est surtout basé sur un effet d’optique. La vision des couleurs est différente chaque fois, en fonction de la façon dont la lumière se reflète sur les fils de soie. Les couleurs sont différentes selon que le regard frappe la surface perpendiculairement à la chaîne, ou obliquement vers le haut ou le bas. On peut oser la comparaison avec l’illusion d’un mirage ou avec l’éclat de la nacre qui, malgré l’extraordinaire gamme colorée qu’elle offre à notre regard, ne possède pas physiquement cette palette de couleurs. Personnellement je l’adore. Il est tellement vivant, tellement changeant au moindre vacillement d’un rayon de lune, c’est un petit trésor qui vibre, change, se transforme, et entoure d’un mystérieux halo les corps des femmes qu’il habille. Le taffetas arc en ciel est un autre exemple de duperie de l’œil humain. Il est toujours composé de trois nuances de même hauteur de ton : la chaîne est composée d’une alternance de 4 fils oranges, 4 fils lilas, 4 fils verts. La trame est toujours blanche. Lorsqu’il est tissé, le taffetas arc en ciel ressemble à un petit rayé, mais après son passage sur un cylindre à chaud et cannelé, il reste un sillon régulier sur la largeur des trois couleurs et en résulte un effet de prisme. Sur ce relief et suivant la réfraction de la lumière (le changement de direction qu’éprouve la lumière en passant d’un milieu dans un autre), le tissu propose à l’œil toutes les lumières du spectre solaire. Les grands couturiers ont largement puisé dans cette famille d’étoffe. Cristobal Balenciaga a réalisé de nombreux modèles en taffetas. Robes de bal, robe du soir, des bustiers et les jupes froncées car le taffetas permet des drapés superbes, des modèles aux dimensions démesurées, avec lui tout devient sculptural : les plis sont beaux, il permet des créations extravagantes, il remplit l’espace. Les reflets d’un taffetas de soie donnent aux vêtements un air de fête et un simple mouvement fait entendre le crissement du tissu qui met en alerte tous les passionnés de belles étoffes. En ameublement, le taffetas occupe une place de choix, double rideaux, coussins, tentures murales. La lumière joue avec cette étoffe, les plis volumineux et statiques occupent l’espace, et rien ne peut plus que le taffetas habiller une fenêtre avec cette délicatesse mêlée de sobriété. Le taffetas attire à la fois le regard, et cherche à se faire caresser, osant se montrer sous son meilleur jour à la lumière artificielle, comme aux rayons du soleil. Taffetas Frénesie – Lelièvre Magique taffetas, dont les reflets métalliques ont traversé les ans sans le moindre affect. Toujours au top, toujours présent dans les défilés, toujours actuel que la ligne soit longue ou courte, que les diktats de la mode prônent le noir ou le blanc, que la rue siffle la fin du superflu et imagine un monde plus naturel, il répond présent, il est encore la vedette de cœur des amoureux des étoffes. Habillement, décoration d’intérieur, ameublement, la liste des utilisations du taffetas ne se cantonne pas au conventionnel, il possède quelques secrets dans sa panoplie. Les ailes des premiers avions, notamment celui d’Avion III de Clément Ader, étaient en taffetas de soie, réputé pour sa solidité. Les premiers parachutes étaient également fabriqués en taffetas de soie. Depuis, le polyamide à remplacé la soie, au moins en ce qui concerne les toiles de parachutes. Le taffetas fut un temps un précieux support pour les pansements. Il fut ainsi l’ancêtre du sparadrap. Taffetas d’Angleterre, taffetas gommé, toile de coton ou de fil, furent les supports originels du sparadrap. Le plus courant des pansements fut le sparadrap à l’emplâtre diachylum gommé, efficace pour réunir les bords des plaies. Le taffetas d’Angleterre était une bande taffetas dont l’une des faces était enduite d’une solution de colle de poisson que l’on utilisait comme pansement et pour aider à la cicatrisation des coupures. Le taffetas gommé était un tissu adhésif et imperméable. La partie gommée était obtenue par un mélange d’huile de lin, de gomme arabique et de litharge. Je pense que nous avons fait le tour du passage du taffetas dans l’histoire de la mode, de la décoration et de la médecine. Alors maintenant, il vous reste à choisir le taffetas qui vous convient dans la magnifique gamme offerte par Etoffe.com Catherine GOLDMAN Facebook Linkedin Instagram Pinterest Ecrire, c’est un peu tisser : les lettres, en un certain ordre assemblées, forment des mots qui mis bout à bout, deviennent des textes. Les brins de fibres textiles maintenus ensemble par torsion forment des fils qui, en un certain ordre entrelacés, deviennent des tissus…Textile et texte, un tête à tête où toute ressemblance n’est pas fortuite. Il est des civilisations qui transmettent leur culture par l’écriture, d’autres par la parole, d’autres encore, par la parole écrite avec un fil. Entre le tissu et moi, c’est une histoire de famille. Quatre générations et quatre manières différentes de tisser des liens intergénérationnels entre les étoffes et les « textilophiles ». Après ma formation à l’Ecole du Louvre et un passage dans les musées nationaux, j’ai découvert les coulisses des étoffes. Avec délice, je me suis glissée dans des flots de taffetas, avec patience j’ai gravi des montagnes de mousseline, avec curiosité j’ai enjambé des rivières de tweed, pendant plus de 35 ans, au sein de la société De gilles Tissus et toujours avec la même émotion. J’eus l’occasion d’admirer le savoir-faire des costumiers qui habillent, déguisent, costument, travestissent les comédiens, acteurs, danseurs, clowns, chanteurs, pour le plus grand plaisir des spectateurs. J’ai aimé travailler avec les décorateurs d’intérieurs toujours à la recherche du Graal pour leurs clients. Du lange au linceul, le tissu nous accompagne, il partage nos jours et nos nuits. Et pourtant, il reste un inconnu ! Parler chiffon peut parfois sembler futile, mais au-delà des mots, tissu, textile, étoffe, dentelle, feutre, tapisserie ou encore broderie, il est un univers qui gagne à être connu. Ainsi, au fil des ans les étoffes sont devenues des amies que j’ai plaisir à vous présenter chaque mois sur ce blog de manière pédagogique et ludique. Je vous souhaite une belle lecture. Related Posts Culture étoffe Expo : à découvrir dès maintenant ! Culture étoffe José Romussi : quand la broderie s’empare du 8ème art Culture étoffe Exposition Folie Textile : mode et décoration sous le Second Empire Culture étoffe Simone Pheulpin crée d’étonnantes sculptures textiles ! Culture étoffe Broderie Renaissance au Musée des Tissus de Lyon Culture étoffe Du tricot dans les rues, ou le street art selon Magda Sayeg Laisser un commentaireVotre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *Commentaire * Nom * E-mail * Site web Post commentΔ Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées. Prev Post La saga du Harris Tweed® Next Post La Moire, un parcours hors normes