Home > Non classifié(e) NOM DE CODE POLYAMIDE 6,6 UNE POLITIQUE GRAND ANGLE «De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace ! » Danton Dans les années 1930, la firme Du Pont de Nemours cherchant à diversifier sa gamme de produits décide de développer les recherches dans le secteur de la chimie dont l’avenir semble prometteur. UN PROJET AMBITIEUX Dans cette optique, un projet pharaonique est lancé : fabriquer une nouvelle famille de fibre textile. MISER SUR UN OUTIL DE RECHERCHE PERFORMANT Pour se donner toutes les chances d’aboutir, des chimistes de haute volée sont recrutés pour former une équipe qui sera dirigée par W.H. Carothers. Ensemble, ils vont travailler au sein du laboratoire de chimie organique et axer leurs travaux sur la recherche fondamentale. LE NEC PLUS ULTRA A la tête d’une équipe de choc, Carothers, ex professeur en chimie organique à l’université de Harvard, est dégagé de toute contrainte : aucun résultat n’est exigé, il est maître du choix des sujets de recherche et, cerise sur le gâteau, le budget alloué au laboratoire est illimité « en ce qui concerne les crédits, le ciel est la limite ». Carothers. LE SUJET DE LA RÉUSSITE Carothers concentra les recherches de son laboratoire sur l’étude des polymères. LA MATERIALISATION D’UN REVE Chercher une alternative à la soie naturelle n’est pas une idée récente. Réaumur s’y attela au XVIIIe siècle en tâtonnant mais, en 1884, c’est à H de Chardonnet que le monde industriel doit la création d’une fibre textile à base de cellulose, commercialisée en tant que viscose, rayonne ou sous l’appellation jugée aujourd’hui équivoque de soie artificielle. Toujours plus fort, l’équipe de Carothers a poussé sans relâche ses recherches, ponctuées d’échecs et de réussites, jusqu’à l’obtention du polyamide 6,6, une matière issue de la pétrochimie qui, à bien des égards, peut se comparer à la soie. UNE STRATÉGIE ÉCONOMIQUEMENT RENTABLE Ne plus être dépendant de la soie importée d’Extreme Orient, se libérer des matières textiles d’origine naturelles, pouvoir produire en grande quantité des fibres à moindre coût, oublier les approvisionnements incertains soumis aux aléas climatiques et politiques. Ainsi, les résultats des recherches de Carothers permirent de devancer les futurs embargos sur la soie, résultant d’événements politiques : en 1937, les troupes japonaises entrèrent dans Nankin, générant l’embargo de la soie chinoise puis, en 1941, à cause de la guerre entre les USA et le Japon, la soie japonaise ne fut plus exportée. Le saviez vous ? A cause de la pénurie de soie japonaise toute la production de nylon de Dupont de Nemours fut réquisitionnée par le gouvernement américain pour équiper l’armée. et la soie japonaise qui, jusque là, servait à fabriquer les parachutes, fut remplacée par le nylon. Les américains prouvèrent ainsi aux japonais qu’ils étaient capables de se passer de leur soie et le drapeau américain de la Maison Blanche fut fabriqué en nylon. UNE ETOILE EST NEE « Aussi solide que l’acier, aussi fine que la toile d’araignée et d’un magnifique éclat ». C’est ainsi, qu’en 1935, fut annoncée la naissance de la première fibre synthétique encore baptisée polyamide 6,6. Voilà comment l’industrie américaine gagna son autonomie en matière textile. UNE TRES BREVE INCURSION, TOUTEFOIS NÉCESSAIRE, DANS LE DOMAINE DE LA CHIMIE Pour le principe et très sommairement, voici quelques repères concernant la composition chimique du nylon. Le nylon est une matière issue de polymères (c’est-à-dire de plusieurs petites molécules chimiques liées entre elles pour en former une seule grande). Le nylon est une matière plastique synthétique et, bien que résultant de réactions chimiques complexes, les matières de base sont issues de produits pétroliers. POURQUOI POLYAMIDE 6,6 ? Parce que, chimiquement, il appartient à la famille des polyamides et résulte de la combinaison d’une diamine contenant six atomes de carbone avec un dicarboxylique composé aussi de six atomes de carbone. PHYSIQUEMENT COMMENT SE PRESENTE LE NYLON AVANT LE FILAGE ? Une fois synthétisée, la matière obtenue se présente sous forme de poudre, de résine ou de granulés de couleur naturellement blanc cassé ou translucide, qui peuvent être colorés en fonction de la couleur du produit final. La matière est ensuite fondue, filée puis séchée. C’est alors que la fibre acquiert toutes ses qualités. LES PLUS ET LES MOINS Ses points forts : solide, légère, imperméable à l’eau et à l’air, entretien simpliste, prix modique, résistante à l’usure, imputrescible, infroissable, élasticité modérée mais présente, irrétrécissable, résiste aux produits chimiques. Toutes ces qualités confèrent une notoriété et son implication dans les objets de la vie quotidienne. Ses points faibles : se dégrade sous l’effet soleil. Une exposition prolongée à la lumière du soleil peut entraîner la décoloration, la fragilisation et la réduction de ses propriétés mécaniques. Il peut fondre sous la semelle d’un fer à repasser trop chaud. Il attire la poussière, sauf traitement anti-statique. Certaines de ces qualités peuvent devenir des défauts comme son imperméabilité : les vêtements en nylon ne sont pas « respirables» : si la pluie ne les traverse pas, la transpiration ne s’échappe pas non plus. Son point le plus faible Le signal d’alarme est activé face à son impact néfaste sur l’environnement. Dérivé de ressources non renouvelables comme le pétrole, sa fabrication entraîne une pollution de l’eau et de l’air en contradiction avec les défis environnementaux auxquels nous sommes tous confrontés. Le saviez vous ? Son processus de fabrication est extrêmement polluant et énergivore. 14000 km de fils et 750 litres d’eau pour fabriquer une seule paire de bas nylon ; et 30 à 40 ans pour qu’elle se dégrade. LE RECYCLAGE, UNE OPTION EN VOGUE POUR DIMINUER SON IMPACT NÉGATIF. Pour se mettre en conformité avec la politique de protection de l’environnement, les industriels développent des trésors d’ingéniosité, comme accélérer le développement des nylons biodégradables ou à base de sources renouvelables mais ce n’est guère suffisant pour convaincre les plus réticents. L’option recyclage du nylon permet de réduire les nuisances environnementales sans stopper la production. De plus, cette idée semble économiquement viable et satisfait les adeptes du « non déchets ». Malgré ces faiblesses, les points forts sont largement gagnant et contribuent à faire du nylon l’un des polymères synthétiques les plus largement utilisés dans de nombreux secteurs industriels (vêtements, industrie aéronautique, automobile, matériel de sport…). L’ITINÉRAIRE SANS FAUTE D’UNE FIBRE MODERNE Le nylon, considéré comme « ‘révolutionnaire » lors de sa création, fut mis au point en 1935, après de nombreux essais infructueux, par Wallace Hume Carothers et son équipe, mais sa production resta confidentielle durant quelques années. En 1938, sa première apparition sur le marché national, qui se fit dans les poils de brosses à dents, jusque là, en soies de porc, passa presque inaperçue. La même année, les premiers bas nylon furent vendus dans un magasin de Wilmington dans le Delaware, non loin du lieu d’implantation du siège de l’entreprise Du Pont de Nemours. Cette vente sera, à dessein, elle aussi confidentielle. Ce coup d’essai se révèla un succès plus de 4 000 paires de bas furent vendues en 3 heures ! LE N’DAY OU JOUR DU NYLON Le véritable démarrage eut lieu le 15 mai1940, ouvrant à toute la population américaine l’accès aux bas en nylon. Le délire s’empara de la clientèle, puisqu’en 4 jours, 4 millions de paires de bas nylon furent écoulées et 64 millions la première année ! Cette date, restée dans les annales du commerce, fut baptisée N’ Day pour le jour du nylon. DES HAUTS ET DES BAS NYLON L’engouement des clientes pour cette nouveauté s’émoussa au fil des décennies. Il fallut, pour soutenir le volume des ventes, apporter des améliorations, renouveler l’offre avec des nouveautés, s’adapter à la mode et aux modes. Les avancées techniques permirent la création de bas sans coutures, puis de collants, d’ajouter le Lycra®, d’obtenir des textures mousse ou voile… Le saviez vous ? La première mouture du nylon était une invention trop généreuse. Si le succès des bas nylon fut rapide à l’échelle mondiale, il s’avéra que sa principale qualité devint un défaut industriellement parlant : trop solides, les bas nylon ne filaient pas facilement ce qui eut pour conséquence de ralentir les ventes. Les «on dit que» : il y a un début à tout.Les chimistes de Du Pont de Nemours modifièrent la formule originale afin de diminuer la résistance du nylon obligeant les consommatrices à renouveler plus souvent leurs achats. A LA RECHERCHE D’UNE IDENTITE 1938 : la direction décide que le moment est venu de commercialiser cette nouvelle fibre. Mais, oh stupeur ! on s’aperçut en haut lieu que le « polyamide 6,6 » n’avait pas encore de nom commercialement acceptable, celui ci se révéla trop technique pour une fibre que se voulait populaire. LES GRANDS MOYENS SONT MIS EN ŒUVRE Un comité constitué de « trois sages » appartenant à la firme fut crée, Wallace Carothers s’était suicidé en 1937 en avalant un cocktail mortel citron-cyanure de potassium, avant d’avoir eut le temps de baptiser le fruit de ses recherches. Le saviez vous ? Vous remarquerez l’absence de majuscule à nylon et du sigle ® indiquant qu’il s’agit d’une marque déposée. Ce n’est pas un oubli puisque les dirigeants de la firme Dupont de Nemours, affirment que ce mot fut un cadeau offert au monde moderne, un mot qui va effectivement devenir synonyme de progrès. Et si le dépôt de la marque fut un oubli des responsables de l’époque, avec le recul, on peut considérer qu’il s’agit d’un formidable coup de marketing même s’il est fortuit. Cet « électron » libre de toute emprise d’une marque, est devenu le nom générique des fibres chimiques, si bien que, pour la majorité des consommateurs, le nylon est un tissu moderne, léger, solide, facile à entretenir et bon marché. CHAMPIONNAT DE SCRABBLE Puisque les bas, premiers articles de consommation courante, fabriqués avec le polyamide 6,6 avaient comme caractéristique de ne pas filer, E.K. Gladding, un des trois membres du comité proposa NORUN. La direction n’approuva pas, voulant éviter les risques de procès en cas de publicité mensongère. Le O fut transformé en U et NURON n’eut toujours pas l’approbation de la direction parce que la prononciation était trop proche de neurone. Alors le R fut remplacé par L et NULON fut proposé. Encore une fois, la sonorité ne convenait pas. NU pouvait se confondre avec new, et c’est justement ce qu’il fallait éviter, une comparaison avec une nouvelle soie ou une nouvelle viscose. Ce n’est ni une copie, ni une amélioration mais une création. Il fallait rompre avec les références du passé. Le U fit place au I NILON. Une fois encore la prononciation anglaise était en cause, le I donnait une idée de nine ou need, encore une référence à éviter. C’est alors que l’idée du Y donna NYLON. Le mot était facile à prononcer dans toutes les langues, la mélodie courte était « moderne ». Phonétiquement, nylon était sans ambiguîté. NYLON SUBTILEMENT SIMPLE ET POURTANT SI COMPLEXE A la vue de ces rebondissements, de ces objections et de ce travail phénoménal sur la recherche d’un nom, on se rend compte que ces quelques lettres ont donné bien du fil à retordre aux membres de ce comité. Aujourd’hui, nylon est un nom commun au même titre que le bois ou l’acier. C’est une belle réussite. MYTHES ET LEGENDES Un gigantesque « brain storming » fut organisé, afin d’élargir les possibilités mais, malgré plus de 400 propositions, aucune ne fut retenue officiellement. Elles furent, cependant, à l’origine des mythes autour du mot nylon. Plusieurs hypothèses circulent à propos de ce nom de baptême et, comme à mon habitude, j’ai du mal à choisir, alors je vous les livre. A vous de décider celle qui vous semblera la plus sensée ou la moins insensée parmi les plus crédibles. ACRONYME ECONOMICO-POLITIQUE! Nylon serait un clin d’œil entre New-York et LONndon, une manière de symboliser une union tant sur le plan économique que politique. ACRONYME HOMMAGE Les lettres qui forment le mot nylon sont les premières des prénoms des femmes des chimistes qui travaillèrent sur ce projet. Nancy, Yvonne, Louella, Olivia et Nina. ACRONYME POLITIQUE Comme le mot nylon était inscrit sur les toiles de parachutes, naquit un acronyme destiné à défier l’ennemi japonais. Les soldats utilisèrent les lettres du mot nylon pour en faire une phrase devenue célèbre Now You’re Lousy Old Nippon. Cette blague eut un retentissement inattendu, les journaux en firent mention et les conséquences furent telles que la direction de la firme fut obligée de publier un démenti dans un journal japonais, affirmant que jamais ces lettres n’eurent cette signification. ACRONYME BOUTADE Au début du brain storming, H. Church lança à la manière d’une boutade et pourquoi pas Duparooh pour DuPont Pulls A Rabbit Out Of Hat. (DuPont sort un lapin de son chapeau). Magie ! EN APPARTE Ce n’est pas par amour de cette fibre que j’ai voulu retracer son parcours, mais j’ai voulu lui rendre hommage parce que son existence est inextricablement liée à notre quotidien, au monde du textile mais aussi à celui de l’aviation, du sport en un mot à notre époque. Alors non ! Nos sens ne sont pas éblouis par cette fibre au toucher froid, à la texture banale, au lustre artificiel mais, au delà de ce manque de compassion, j’aime ses qualités hors du commun qui permettent à l’être humain d’affronter les colères de dame nature, de se confronter aux aléas climatiques et de se surpasser dans le sport. Le nylon, comme beaucoup de fibres synthétiques, ne joue pas dans la même catégorie que les fibres naturelles, la comparaison n’est pas d’actualité, leur monde est différent, mais les deux concourent à notre félicité. Au XXe siècle, le nylon est devenu la référence en matière de fibres modernes. En 1945, il marqua la fin des années de privation avec les bas le nylon, gagna en popularité et devint, en Europe, un symbole de la Libération. Au XXIe siècle, il demeure irremplaçable, incontournable et fait partie de notre environnement. Voilà pour ce dernier post de l’année 2023 qui donne une place à la modernité dans l’univers des textiles avec un cocktail épicé : un soupçon de technique, une dose d’histoire et un trait d’anecdotes. Bonne lecture et à l’année prochaine ! Catherine GOLDMAN Facebook Linkedin Instagram Pinterest Ecrire, c’est un peu tisser : les lettres, en un certain ordre assemblées, forment des mots qui mis bout à bout, deviennent des textes. Les brins de fibres textiles maintenus ensemble par torsion forment des fils qui, en un certain ordre entrelacés, deviennent des tissus…Textile et texte, un tête à tête où toute ressemblance n’est pas fortuite. Il est des civilisations qui transmettent leur culture par l’écriture, d’autres par la parole, d’autres encore, par la parole écrite avec un fil. Entre le tissu et moi, c’est une histoire de famille. Quatre générations et quatre manières différentes de tisser des liens intergénérationnels entre les étoffes et les « textilophiles ». Après ma formation à l’Ecole du Louvre et un passage dans les musées nationaux, j’ai découvert les coulisses des étoffes. Avec délice, je me suis glissée dans des flots de taffetas, avec patience j’ai gravi des montagnes de mousseline, avec curiosité j’ai enjambé des rivières de tweed, pendant plus de 35 ans, au sein de la société De gilles Tissus et toujours avec la même émotion. J’eus l’occasion d’admirer le savoir-faire des costumiers qui habillent, déguisent, costument, travestissent les comédiens, acteurs, danseurs, clowns, chanteurs, pour le plus grand plaisir des spectateurs. J’ai aimé travailler avec les décorateurs d’intérieurs toujours à la recherche du Graal pour leurs clients. Du lange au linceul, le tissu nous accompagne, il partage nos jours et nos nuits. Et pourtant, il reste un inconnu ! Parler chiffon peut parfois sembler futile, mais au-delà des mots, tissu, textile, étoffe, dentelle, feutre, tapisserie ou encore broderie, il est un univers qui gagne à être connu. Ainsi, au fil des ans les étoffes sont devenues des amies que j’ai plaisir à vous présenter chaque mois sur ce blog de manière pédagogique et ludique. Je vous souhaite une belle lecture. Related Posts Non classifié(e) Tout savoir sur le Madras Non classifié(e) L’histoire du Caoutchouc Non classifié(e) LE BOUGRAN, UNE ETOFFE AU PASSÉ PAS SI SIMPLE Non classifié(e) L’histoire du Seersucker Non classifié(e) WILLIAM MORRIS : ENTRE L’ESTHÉTIQUE ET L’ETHIQUE Non classifié(e) VIVA MAGENTA PANTONE CODE 18-750 ? Laisser un commentaireVotre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *Commentaire * Nom * E-mail * Site web Post commentΔ Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées. Prev Post UN « BREF » PANORAMA DES PANORAMIQUES Next Post LES PRINCIPES DU DESIGN BIOPHILIQUE